Le 8 février 2016, une équipe de six
chercheurs (géographe, hydrogéomorphologue, biologiste et écologiste végétal,
ethnobotaniste, et sociologue) et deux chauffeurs a quitté l’UCAD (Université Cheikh Anta Diop de Dakar) pour découvrir la diversité des
paysages, ou systèmes socio- écologiques (SES) qui se trouvent le long de la
« ligne verte » mythique figurant dans tous les documents officiels
de la Grande Muraille Verte (GMV). Au Sénégal,
la GMV est longue de 545 km de long, et s'étend de Potou à l’ouest à
Bellé à l’est.
Tracé de la Grande Muraille Verte mis en évidence par les photographies de la mission de février 2016 géolocalisées sur Google Earth |
Partis, entre autres, avec 300 litres d’eau, 20 kg
d’oignons et 300 dosettes de café soluble, nous nous sommes embarqués dans une
aventure inoubliable de 9 jours, aussi riche scientifiquement qu’humainement. La
carte ci-dessous montre l’itinéraire suivi sur le tracé de la GMV.
illustration (en cours de réalisation)
Pendant neuf jours,
les deux véhicules n’ont quasiment emprunté que des pistes, la navigation étant
confiée aux bons soins d’un récepteur GPS et de ses satellites, ce qui a donné naissance
à une phrase désormais célèbre chez les membres de l’équipe quand quelque
inquiétude semblait poindre sur la route à suivre :
- "le GPS, il est content ?"
- "Oui, le GPS, il est content".
Au cours de ce périple en brousse, nous avons logé dans les bases des Eaux et Forêts
sénégalaises, mais aussi dormi dans des campements Peuhl, bénéficiant de l’hospitalité
des habitants.
Les objectifs
scientifiques ont été extrêmement divers, et en lien direct avec les différents
WorkPackages du programme « Future Sahel » (WP) :
WP1 : Nous familiariser
avec la diversité des paysages traversés sur le tracé de la GMV.
Pour ce faire, chaque chercheur observait les
paysages parcourus sous l’angle de sa spécialité scientifique (végétation, eau,
géomorphologie, habitation et habitants…). Les informations recueillies lors de
ce déplacement ont ensuite été discutées et placées collectivement sur un
support visuel : une carte dessinée à main levée et réunissant les différentes
informations collectées.
Séance de mise en commun et de synthèse cartographique des observations, en fin de journée au point d'hébergement.. |
Cette traversée
Ouest-Est fut aussi l’occasion de prendre plusieurs centaines de photos
géo-référencées pour reconstruire les cartes des paysages a posteriori.
WP2 : Choix du
site pour la parcelle biodiversité
Un des objectifs majeur
de notre mission exploratoire a été de choisir le futur site d’implantation d’une
seconde parcelle expérimentale, après celle fonctionnant depuis 2013 à Widou-Thiengoly,
afin de tester des espèces indigènes en reforestation. Le bourg de Ranerou a
été choisi comme point d’ancrage de cette seconde parcelle expérimentale par
rapport à des intérêts scientifiques (site éco-géographiquement différent de
celui de Widou), stratégiques (l’Agence Nationale de la GMV a des prévisions
imminentes de reforestation dans cette zone), et sociaux (les acteurs locaux –
élus locaux, agents des Eaux et Forêts, et populations locales ont montré un fort
intérêt pour héberger la parcelle et les études qui vont y être associées). Sur le plan logistique,
les jeunes plants seront préparés dans la pépinière des Eaux et Forêts de Ranerou
où des compétences techniques sont disponibles sur place et où l’accès à l’eau n’est pas
conflictuel.
Rencontres avec les populations, les acteurs et élus locaux et entretiens informels en divers point du tracé de la GMV sénégalaise. |
Les espèces d’arbres
à tester sont les suivantes : Acacia
nilotica var. nilotica, Acacia raddiana, Acacia senegal, Acacia seyal,
Adansonia digitata, Balanites aegyptiaca, Combretum glutinosum, Dalbergia
melanoxylon, Faidherbia albida, Guiera senegalensis, Tamarindus indica,
Ziziphus mauritiana. Au moment de leur transplantation dans la parcelle
expérimentale, les jeunes arbres auront 1 ½ mois et 2 ½ mois lors de leur transplantation
de la pépinière à la parcelle. L’expérimentation testera également l’adjonction
au moment de la transplantation d’un rétenteur d’eau, Pluie Solide®, fourni gracieusement
par la société ANET International Group®. Ce rétenteur d’eau, biodégradable au
terme de 5 ans, est capable de retenir jusqu’à 300 fois son poids en eau, notre
objectif étant d’accroître la durée de la saison au cours de laquelle la
plantule a accès à l’eau et ainsi d’accroître significativement les taux de
survie des espèces.
WP3 : Choix de
sites pour conduire les études sur le dattier du désert
Le fait de parcourir
d’Ouest en Est la GMV dans sa totalité nous a permis de collecter les données nécessaires
pour l’établissement d’une carte de la distribution géographique de Balanites aegyptiaca, le dattier du
désert. Même si l’espèce est assez ubiquiste le long du tracé de la GMV sénégalaise,
notre périple fut néanmoins l’occasion d’identifier des « hotspots » où l’espèce domine le paysage
et où le commerce des fruits par les populations locales est déjà engagé de
manière informelle. Ces sites seront privilégiés pour le déroulement de nos futures
activités de recherche. Trois sites sont
d’ores et déjà programmés pour accueillir de futures recherches sur la
phénologie, la dendrométrie et la diversité génétique de l’espèce, la production
de fruits et leur qualité nutritionnelle. Les trois sites retenus,
respectivement d’Ouest en Est, sont Koly Alpha, Labgar et Ranerou.
WP4 : Au contact
du terrain, enrichir la réflexion de l’équipe sur l’applicabilité du concept de
résilience socio-environnementale
Afin de préparer le
terrain, un sociologue et une géographe humain ont conduit des entretiens à
chaque point d’arrêt. Il s’est agi d’avoir un premier regard sur la diversité
et l’organisation des services écosystémiques des zones traversées, d’identifier
les principaux projets de développement passés, leur succès ou échec, et de
questionner leurs interlocuteurs sur les visions pour un Sahel futur. Nous
avons aussi établi une liste constituée de personnes ressources rencontrées en
chaque lieu : décideurs politiques et publiques, agents des eaux et forêts,
représentants des ONGs nationales et étrangères,
responsables de collectivités pastorales et agricoles, villageois hommes et
femmes…
Cette première
mission de Future Sahel a été vécue par tous les membres de l'équipe comme une très belle expérience, caractérisée par des moments de fort partage et d’échanges
intra-équipe, mais également entre les chercheurs et acteurs locaux.